LES COULISSES DU PODCAST # 6

Il ne suffit que de quelques instants en compagnie de Julien Devaureix, l’hôte de Sismique, pour comprendre l’essence si particulière de ce podcast. Ses expressions du visage et son élocution traduisent l’intelligence, la passion mais aussi la gravité qui se dégagent lors de l’écoute de ces épisodes qui nous invitent à penser notre présent et notre futur. Podcastzap vous propose une conversation en sa compagnie pour mieux comprendre l’intérêt de ce podcast.

Inquiet pour l’avenir de sa fille, Julien a soif de comprendre et partager l’avis des experts qu’il interroge sur le devenir de notre civilisation. Cette préoccupation constante le poursuit depuis quelques années et vous allez découvrir que ce podcast constitue la suite logique d’un parcours riche marqué par la curiosité et l’envie de ne pas prendre les choses à la légère. Ce mélange d’exigence intellectuelle, de rigueur, de sérieux et d’humilité face à la complexité des thèmes abordés constitue sans nul doute la recette du succès de ce podcast indispensable et éclairant pour penser la marche de notre siècle.

Comment as-tu découvert les podcasts ?

J’ai vécu à Hong-Kong de 2010 à 2015 et j’écoutais chaque jour des podcasts dans les transports et pendant la pause déjeuner. A l‘époque, il s’agissait surtout de contenus anglo-saxons orientés économie, stratégie et technologie, comme le podcast de la Harvard Business Review.

En 2015, j’ai pris une année sabbatique pour voyager avec ma femme. On avait un peu le sentiment de vivre avec des œillères et nous voulions prendre du recul. J’ai continué à écouter des heures de podcasts durant cette période, plutôt orientés sur le développement personnel et surtout américains, comme ceux de Tim Ferriss et James Altucher. Nous avons profité de ce break pour nous ouvrir à de nouveaux sujets et avons pris conscience, au travers de nos lectures, de nos écoutes, de nos voyages et de nos rencontres, de l’état du monde et des défis immenses que notre génération et celles qui viennent vont devoir relever. Avant cela je dois dire que je n’en avais pas vraiment conscience, l’avenir m’a toujours intéressé mais j’en avais une vision très « classique » et linéaire.

Comment est née ton envie de réaliser toi-même un podcast ?

A mon retour en France début 2016, je me suis dit qu’il y avait de la place pour lancer un podcast indépendant et j’avais pour idée de m’inspirer du concept de Tim Ferriss pour avoir l’opportunité de rencontrer des gens incroyables dans les domaines qui m’intéressaient. Mais je n’ai pourtant pas osé sauter le pas tout de suite et les contraintes de la vie m’ont rattrapé. On allait avoir un enfant et j’ai préféré assurer une certaine stabilité en acceptant un  boulot dans le digital pour un grand groupe français.

J’ai néanmoins voulu continuer à creuser les sujets ouverts durant mon année sabbatique et j‘ai suivi une formation à l’Institut des Futurs Souhaitables. Pendant plusieurs mois, j’ai assisté à un cycle d’une trentaine de conférences données par des experts pour mieux appréhender le présent et réfléchir aux futurs possibles. Cette formation a été l’un des éléments qui a inspiré la naissance de Sismique.

En 2017, j’ai écouté par hasard Nouvelle École, le podcast d’Antonin Larcher. C’était exactement l’idée de podcast que j’avais en tête deux ans plus tôt sauf que je n’avais pas osé me lancer… Cela m’a mis un coup de boost. Comme je ne souhaitais pas refaire ce qu’il faisait très bien, j’ai commencé à réfléchir à un thème en me focalisant sur ce qui m’intéressait. Je suis passionné de prospective et j’ai réalisé que je pouvais avoir accès facilement aux intervenants de ma formation pour commencer. A la même époque je suis tombé sur une interview de Vincent Mignerot dans Thinkerview et je l’ai contacté pour discuter avec lui de sa théorie de l’effondrement qui m’avait beaucoup perturbée et fait réfléchir. Je voulais creuser le sujet, le faire connaître à mes proches, et il a accepté très vite d’être mon premier invité.

Quelle était ton ambition de départ avec Sismique ?

Sismique est avant tout basé sur une démarche personnelle. Lors de conversations que j’ai pu avoir en famille ou avec des amis sur les sujets qui me passionnaient, je me suis rendu compte que beaucoup de gens étaient en fait assez mal informés sur les grands enjeux de notre époque, comme l’écologie ou la technologie, car souvent on n’a tout simplement pas le temps de creuser. Moi même je me suis souvent retrouvé à cours d’arguments, démuni face la complexité des choses, malgré tout le temps que j’ai eu pour lire et réfléchir.

J’ai eu envie d’approfondir, de ne pas me contenter de rester à la surface des choses, et je me suis dit que ça pouvait être une bonne idée d’utiliser un podcast comme prétexte pour avoir accès à des personnes qui pourraient non seulement m’apporter des débuts de réponses mais aussi me permettre de d’en faire profiter d’autres que moi. Je cherchais aussi à trouver une parade intellectuelle à la démonstration a priori implacable des théoriciens de l’effondrement et à collecter des avis contradictoires. Mon idée de départ était d’éveiller les consciences de mon premier cercle en réalisant une série d’épisodes afin de partager avec eux mes réflexions sur des bases solides. Réaliser un grand nombre d’écoutes était très secondaire à mes yeux.

As-tu une ligne éditoriale bien précise ?

J’ai beaucoup parlé des risques environnementaux et des enjeux liés, mais il y a énormément d’autres sujets que je souhaite traiter. Comme je l’ai expliqué dans mon édito et dans un article qui a pas mal tourné (Game over), j’ai le sentiment que nous vivons une époque particulièrement riche et complexe et, bien que tout s’accélère, nous nous devons d’essayer d’en appréhender les enjeux de manière sérieuse, sans raccourcir, sans trop simplifier. Je veux répondre à la question « où va le monde ? », c’est donc un puits sans fond…

J’essaye d’aller chercher des gens pouvant m’aider à y voir plus clair. Je ne fais donc pas un travail de journaliste à proprement parler, je m’aménage simplement des temps de conversation de qualité pour satisfaire ma propre curiosité, et tant mieux si ceux qui écoutent peuvent en profiter.

Peux-tu m’en dire plus sur la préparation et la réalisation de Sismique ?

Je prépare en amont les interviews et je pose à l’écrit toutes les questions que je veux poser. Cela prend plus ou moins de temps selon que je suis familier ou non avec le sujet traité. La plupart du temps je sais où je veux aller avec mes invités et je m’attends à certaines de leurs réponses, mais j’essaie aussi de trouver des points de vue contradictoires et j’adore être surpris puisque je suis là pour apprendre. Je m’impose une préparation assez rapide : deux heures environ.

Durant les entretiens, j’essaye de ne pas trop interrompre mon invité et de laisser la personne dérouler ses idées, je suis là pour écouter, pas pour polémiquer. J’enregistre chez Nouvelles Écoutes ou dans le studio de Plink depuis maintenant quelques épisodes, c’est un soutien important pour moi tant la qualité sonore est importante.

Je ne monte quasiment pas. Il m’arrive de couper une question si je juge que ce n’est pas pertinent pour les auditeurs. J’écris une introduction que j’enregistre en sélectionnant un ou deux verbatim. J’écris le résumé de l’épisode qu’on peut retrouver sur le site et j’y liste les références intéressantes. Je fais tout cela en marge de mon travail, ce qui peut être certaines semaine un vrai défi.

Comment vois-tu la suite de Sismique ?

J’en suis à un peu plus de 500 000 écoutes uniques depuis le début. C’est encourageant mais je n’ai pas envie d’en faire mon métier. J’espère continuer tant que j’aurai des sujets à creuser et un peu de temps à y consacrer, ce qui reste la grande inconnue.

Je voudrais pouvoir interroger maintenant des personnalités pouvant apporter d’autres points de vue sur le monde de part leur culture, leur expérience, leur origine sociale. Il faut se méfier de plus en plus des biais que nous avons tous, culturels, sociaux ou autre, et il est vrai que pour le moment mes invités sont en grande majorité des hommes français, blancs et d’âge mur… Je dois remédier à cela si je veux pouvoir diversifier mes angles de vue.

Ceci étant je ne me pose pas vraiment de contrainte, l’idée est avant tout de continuer de se faire plaisir et d’apprendre des choses, et si des auditeurs continuent de s’y retrouver, tant mieux. Il est temps en tout cas temps que je me pose pour voir quelle direction je compte donner au podcast ; tout est ouvert !

 

Merci à Julien pour sa gentillesse et sa disponibilité pour cet entretien. Je suis certain que comme moi, beaucoup d’auditeurs souhaitent que l’aventure de Sismique se poursuive. Par son format, sa densité, la qualité de ses invités et le talent de Julien, ce podcast contribue à l’essor actuel de ce média.

 

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